Peintre et poète, fasciné par l’homme et ses “lointains intérieurs”, Henri Michaux livre des encres vibratiles et violente. De l’écriture au geste.
Dans sa peinture et sa poésie, Henri Michaux nous emporte, transporte, enivre vers d’autres rives. Dans la fureur, la vitesse, la souffrance du mouvement. Dédaignant toute construction. Refusant tout préparatif. Simplement avec l’encre, les pinceaux et le papier. Comme le calligraphe chinois, il se concentre et se lance dans l’aventure la plus folle, la plus puissante et la plus belle qui soit, celle de la communion entre l’art et la vie. Et voilà qu’il arrache aux entrailles du corps et de l’esprit les cris les plus profonds de l’être, les murmures les plus doux, comme les caresses morbides ou les râles insoutenable du plaisir. Ici un corps court et s’échappe, un autre morceau comme une plaie se tord, une tête hurle ou rit jusqu’à la démence. Toute sa vie, toute sa quête fut celle d’un « contemplatif en action », qui a tout dit, tout écrit, tout décrit des mécanismes de son oeuvre. Personne n’a autant dévoilé les visages et les traits du double, l’envers du masque, l’insaisissable étincelle. Le « Lointain intérieur ». Personne n’a mieux griffé l’encre et noyé l’aquarelle pour dans le vitesse du mouvement, dans la fureur de l’instant, oui, juste de l’instant, livrer l’intolérable, l’inconnu, le familier, les « moments, les traversées du temps ». Ici çà tressaille encore. Ici çà bouge et çà dérange. Il n’y a presque rien. Juste ce qui reste quand il n’y a plus rien. Juste avant la dissolution. L’essence. L’Un avant la noyade dans la multitude. Dans l’insoutenable éblouissement du papier, Henri Michaux nous brûle les yeux. Anne Kerner.
Henri Michaux, Galerie Berthet-Aittouarès, 29, rue de Seine, 6è. Tél: 01 43 26 53 09. www.galerie-ba.com. Du 23 mai au 28 juin.