L’artiste de renommée internationale d’origine japonaise expose ses dernières oeuvres à la galerie Lazarew. Visite dans l’atelier de ce nomade du troisième millénaire qui a réalisé entre autre des constructions magistrales au Japon.
Extrait du texte de présentation d’Aki Kuroda par Anne Kerner sur le site de l’artiste.
“Aki Kuroda entraîne le spectateur dans un voyage dont il ne revient pas indemne. Condamné à une renaissance. A une descente dans les ténèbres pour mieux en ressortir Vivant. Lavé. Purifié. Pour le passage vers un autre monde. Où règne cette « Unheimlichkeit » dont parlait Freud. Avec une œuvre qui vacille sans cesse sur le fil du rasoir entre un Orient et un Occident. Pour aller bien plus loin. Au-delà de l’homme, de la terre, du cosmos qu’il peint, sculpte, « installe », aime et malmène dans ses performances. Aki Kuroda crée une œuvre comme un être venu d’une autre planète. Celle d’un nomade d’un autre temps qui ne cesse de parcourir le monde pour mieux s’en rassasier. Celle d’une identité qui n’existe pas encore. Venu d’une île pour s’emparer d’une autre. Parti du Japon pour la France pour mieux s’imprégner de la Grèce. De cette terre mouvante et instable qui ressemble tellement à la sienne. Chaos, tremblements, séismes, secousses, noyades… Mais, en visionnaire de notre siècle, Aki Kuroda aura quitté la terre….”
Visite dans l’atelier d’Aki Kuroda.
Si sa dernière série de tableaux s’appelait Cosmojungle, ce titre fait aussi penser à ce que l’on voit dans son atelier. Un très bel atelier rempli de lumière. Et des toiles partout, ses immenses toiles posées contre le mur, rangées bien précieusement et il les montre, les sort, les déplace pour mieux les dévoiler. L’artiste pointe un détail, s’amuse d’un autre, raconte une histoire et encore… Ses sculptures, des photographies et ses dessins aussi. Tout ce que touche et crée Aki kuroda est là. Et le regard du visiteur de s’émerveiller devant tant de trésors.
Aki Kuroda : « Ma dernière série de tableaux s’intitule « Cosmojungle ». Et celui-ci plus précisément « You are a secret garden ». Mon sujet depuis une vingtaine d’année était « cosmogarden ». Ce qui veut dire que tout est jardin : le corps, la ville, le jardin, vous, moi…Tout y existe. Son histoire, celle du monde. Et tout cela bouge. Il y a des vagues, des changements en permanence. Tout se passe entre la troisième et la quatrième dimension. Et il faut toujours trouver une pièce sans limite. Toujours trouver autre chose, encore autre chose…
Le mot clé de mon travail est « inside out/ Outside in »… Vous savez, j’aime me promener en ville. Celle-ci m’envahit. Et, au bout d’un moment, c’est mon esprit qui vient à elle. Une sorte d’intériorité qui sort. Là, je crée mon coin secret. C’est un endroit où la vie quotidienne devient plus forte, plus dynamique. Car je ne suis ni japonais, ni français. Je suis déraciné. Donc j’ai besoin d’avoir toujours le sentiment de vivre de manière plus dynamique avec cette ville qui devient de plus en plus mon sujet.
Au départ, mes « tableaux jardins » étaient travaillés morceau par morceau. Maintenant existe plutôt l’accumulation de toutes les choses. Le jardin se métamorphose ainsi en une jungle. Ceci correspond d’ailleurs à mon travail fait avec la chorégraphie, les grandes statues, le Minotaure, le vaisseau spatial…tout comme mon travail réalisé en collaboration avec des architectes. Il y a une fusion très forte entre nous tout en restant totalement autonomes. Donc, je travaille aussi réellement « dans » la ville puisque, entre autre, je viens de réaliser l’année dernière trois collaborations avec des architectes au Japon. Aujourd’hui, je propose mon idée à l’architecte. Et nous avançons toujours morceau par morceau. C’est comme une promenade. J’ai ainsi participé au Japon à Tokyo Dôme, une salle de concert rock. J’ai commencé par la création de 20 mètres sur 5 mètres et ils m’ont donné ensuite un mur de 70 mètres puis le sol et le plafond ! C’était formidable. Nous avons ajouté et transformé des choses. Il faut ainsi que la ville tourne autour de l’art…. il faut intégrer des installations complexes qui communiquent avec les gens. Car des liens doivent se tisser entre les gens et la sculpture. La peinture doit agir de la même façon.
C’est pour cela que je travaille toujours sur des choses simples, avec peu de moyens et je crée de l’espace…
Comme je l’ai déjà dit, j’aime la ville et ses cafés. J’attends toujours, chaque jour, la découverte de quelque chose à la terrasse d’un café. Je croise des visages différents, des expressions d’étonnement que j’aime.
Maintenant, j’ai envie de créer mon propre plan de Paris. Là, çà devient beaucoup plus intéressant. J’aime aussi me promener car je circule dans l’espace et l’espace c’est aussi le théâtre, la peinture, la vie.
Dans ce tableau, « You are a secret garden », il y a de nombreux détails. Ici, une tasse de café. Là, mon lapin qui a pris dans mes tableaux la place du Minotaure devenu trop historique et faisant référence à la revue “Minotaure” qu’achetait mon père. Le lapin est une sorte de guide comme dans « Alice au pays des merveilles » mais dans le labyrinthe d’Aki Kuroda ! Le labyrinthe, c’est la peinture, moi, vous… Il y a aussi plusieurs figures avec toujours les mêmes ombres portées. Et de nombreux animaux, des monstres. Au milieu du tableau, il y a un grand animal architectural. Il fume et possède une porte qui s’ouvre. Bien sûr, il y a aussi les bulles, Ce sont des sphères parfaites dans le chaos, et autour des sphères, d’autres bulles, de savon cette fois, imparfaites, comme de la gélatine, très « suit ». Et en même temps, c’est l’univers, la terre. En haut, on voit des poissons qui sautent. Et encore des plantes vertes qui sortent de la ville. Partout dans la toile, on retrouve aussi des gens en gribouillis, le visage étonné. C’est une expression que j’aime bien. Comme également le visage d’une jeune fille en extase.
En fait ce tableau est la représentation de ma conception de « la ville », de son histoire, de l’Histoire, de l’histoire de l’art, etc… Il se résume à l’histoire de trois jeunes filles qui rêvent et de la fusion de leur rêve avec celle de l’artiste et de celui qui regarde le tableau. C’est la base même de la peinture lorsque l’on travaille avec la vie réelle.
Aki Kuroda, Paris, galerie Lazarew, du 22/05 au 27/06/14
Aki Kuroda, Tokyo, KH gallery, du 23/11/13 au 23/02/14.
(Images dans l’atelier : photos Christine Barbe, courtesy Aki Kuroda, @Aki Kuroda)