L’insondable douleur de l’être peinte par Vladimir Velickovic envahit l’espace d’art contemporain de Colmar. 

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Il y eu Zoran Music. Il y a aujourd’hui Barthélémy Toguo. Entre ce deux générations d’artistes, se place l’immense Vladimir Velickovic. Tous hurlent la souffrance et l’horreur du monde. Tous témoignent de leur vie, leur expérience, de leur blessure qui a forgé une vision et devient, grâce à leur oeuvre, universelle. Music témoignait de la monstruosité des camps de concentration où il fut interné. Barthélémy Toguo place au centre de son travail les oppressions de notre temps, déplacements, immigration, frontières. A 78 ans, le peintre yougoslave, témoin dans son enfance des atrocités commis par les nazis, n’en peut toujours plus de figurer le drame. Son histoire personnelle et celui de l’Histoire. Et dès le début des années 1960, il a trouvé sa voie et son cri. Il ne sait qu’un seule chose et ne sait que cela : laisser une cicatrice dans la mémoire du spectateur.

L’art comme exorcisme disait Henri Michaux. L’art ne peut être plus exorciste dans la peinture de Vladimir Velickovic. Et le voilà qui pour toujours fouille l’âme, sonde l’être, tourmente l’oeil et l’esprit, provoque  l’épreuve. Et l’invoque. Comment montrer l’innommable ? Comment peindre l’impensable ? Comment donner des couleurs à la mort ? A l’instar de Music et Toguo, Velickovic crée une oeuvre à l’image de son temps. Une oeuvre perpétuellement d’aujourd’hui. Ici, la douleur ancienne est sans cesse tiraillée, renouvelée, actualisée. Car la souffrance n’a pas de nom, n’a pas de langue, n’a pas d’âge.

Reste donc l’homme. L’homme dans sa nudité et sa chair. L’homme écartelé, l’homme bouleversé, l’homme déchiqueté, l’homme arcquebouté. Et nous voici devant ses séries de pendus, de démembrés, de défigurés. Ici un homme vient d’être décapité, son sang coule et nous gicle. Là, il ne reste q’une pièce vide. Dans l’obscurité pend une ampoule éteinte. Sur le sol, des marques, des traces, des frottements, des morceaux de bois brisés. Ailleurs encore, un homme de dos nu ensanglanté tente de fuir par une issue sombre et improbable. Terre, ocre, rouge, noir, gris… dans les couleurs du mal l’être humain se débat. Depuis quelques années seul un corbeau ose regarder ces visages défigurés comme a osé aussi les défigurer Francis Bacon.

Vladimir Velickovic entraîne dans les plus insondables profondeurs de l’homme. Et de l’exposition de Colmar, nous ne pouvons sortir indemne.

Vladimir Velickovic, Centre d’Art  Contemporain André Malraux, 68000 Colmar. Du 29/06 au 20/10/13.

En association avec  La Galerie Samantha Sellem  qui vient d’éditer une monographie importante : Vladimir Velickovic  « 60 ans de peinture » 1954 – 2013, 420 pages/550 reproductions/29×32 cm/relié sous jaquette/sous coffret., Textes Bernard Noël et Alin Avila.