« When you dance with life itself. »
Paul Graham

Avec The Present (2011) Paul Graham livre le dernier volet d’une trilogie américaine initiée avec American Night (1998-2002) et A Shimmer of Possibility(2004-2006). Hommage (que l’on croyait désormais impossible tant les références s’imposent) à la photographie de rue et à ses grands maîtres américains – Harry Callahan, Lee Friedlander, Garry Winogrand – The Present honore la frénésie de la rue new-yorkaise et son flux cacophonique de personnages, enseignes, signes et gestes. Dans ce défilement chaotique, Paul Graham prélève deux temps, deux images que sépare un court instant : une scène et son double immédiat se livrent au spectateur sous forme d’un diptyque (ou triptyque). Ainsi confrontées, les images révèlent des affinités inattendues et fortuites entre deux moments. L’instant décisif se déplie. Le hasard entre en collision avec le destin, tandis que le flux et le reflux de la cité s’orchestrent en une chorégraphie aléatoire du temps et de l’espace. Le grand format des tirages et leur accrochage très bas au mur entraînent le spectateur dans le déroulement de l’action. Une action disséquée par de subtiles altérations de la scène elle-même, par une mise au point fluctuante sur différentes zones de l’image, par les allers et retours d’une image à l’autre pour comprendre ce qui se joue entre elles. Evolue ainsi notre appréhension du réel, s’aiguise notre conscience de son éphémère alchimie. Comme John Baldessari avant lui, Paul Graham capture le moment improbable où trois balles lancées en l’air vont former une ligne parfaite. L’extraordinaire de l’ordinaire. La complétude du trivial. Dans ses précédentes séries, A Shimmer of Possibility et American Night, Paul Graham relatait son expérience de la diversité de l’Amérique ; The Present est un hommage à la ville de New-York, sa ville d’adoption depuis 2002. Ces trois séries sur l’Amérique contemporaine sont à la fois une analyse politique incisive et une exploration du médium photographique en tant que language. Un propos tangentiel, plus elliptique que démonstratif. Avec American Night, commentaire visuel sur la fracture sociale aux États-Unis, Paul Graham surexpose intentionnellement ses images au point de rendre quasi invisibles le paysage et les exclus qui l’occupent. Dans A Shimmer of Possibility Paul Graham s’intéresse à la compression du temps dans la photographie, ralentissant le processus cognitif pour mieux reconnaître la beauté profonde d’instants passés inaperçus. Dans The Present, la conscience des autres et des choses est le théme dominant ainsi que l’attention aigüe auréel qu’elle exige pour s’établir. Paul Graham a reçu le Prix international pour la photographie 2012 de la Fondation Hasselblad.

Paul Graham, Le Bal, 6, impasse de la Défense, 75018 Paris. Du 14/09 au 9/12/12.  Tél. : 01 44 70 75 50. Courtesy Paul Graham, le Bal.