“PRIÈRE DE TOUCHER. Nomade, mobile, voyageuse, ainsi est l’oeuvre de Marie-Ange Guilleminot, mais dans des espaces intimes, souvent restreints. Quelque chose du mobile, quelque chose de l’homme, quelque chose du mobile-home et de la tombe aussi fait ressembler certains de ses objets, et parmi eux le Chapeau-vie conçu en 1995 pour Hans-Ulrich Obrist ou La Boîte située 23-25 Quai de la Tournelle à Paris, à des véhicules pour l’au-delà, un au-delà dans lequel on est déjà. Cette oeuvre semble avoir pris pour objectif de réactiver sans tapage quelque chose des utopies modestes plutôt que « modernes » de quelques artistes malheureusement disparus (Lygia Clarck, James Lee Byars, André Cadere, Robert Filliou, etc.) et de quelques autres (Buren, Rutault, Yoko Ono, etc.) qui oeuvrèrent et oeuvrent encore à replacer l’oeuvre comme expérience dans l’espace incertain, « transformiste » (pour parler comme Lamarck), du quotidien, du réel, du sensible. Les
notions d’héritage et de prise en charge sont partout présentes dans cette oeuvre. Du simple passant invité à se laisser masser les pieds dans le Paravent de Münster en 1997, à l’ami disparu, Absalon, dont, grâce à Marie- Ange Guilleminot, les Cellules «revivent », se développent, échappent à la réification (via la création d’un CDRom et de petits cabinets de consultation), en passant par l’oeuvre à proprement parler « infinie » de l’artiste brésilienne Lygia Clark (dont les Bichos se retrouvent dans les Poupées que, comme eux, il faut manipuler), partout l’oeuvre de Marie-Ange Guilleminot atteste une capacité, une énergie et une organisation tendues vers un but principal, activer des relations, susciter des expériences. Le dialogue engagé depuis plus d’un siècle par l’Occident avec l’Extrême-Orient (Mallarmé, Monet, Turrell, etc.) s’actualise de même dans cette oeuvre à travers « quelque chose » qui, minorant le « dire » pour valoriser le « faire », fait l’hypothèse que, comme l’art du thé ou l’origami, l’art devrait toujours être « de quelque chose » et, ce faisant, constituer l’objet comme une modalité, une fonction seconde de l’acte, rappelant que ce qui est à l’oeuvre n’est pas l’oeuvre mais se trouverait ailleurs, en deçà, dans les doigts souples et curieux qui font le livre, le noeud, le Tsuru, le Sac- à-dos-collant, etc.. Ainsi, l’oeuvre est avant tout vie, mouvement, transformation, « forme formante » aurait pu dire l’historien de l’art italien Luigi Pareyson plutôt que « forme formée », un acte mutant en somme dont l’Oursin (successivement pouf, sac-à-main, couverture, manteau, tente, parachute, voile, maison, méduse, citrouille, baleine ou linceul) donne assez bien la mesure, celle de l’origine, de la matière, autrement dit de ce que, présomptueux et par trop cérébraux, nous appelons l’inerte et qui pourtant déjà est la pensée. ”
Guy Tortosa, Septembre 2006.
Marie-Ange Guilleminot, Poissy, Villa Savoye, jusqu’au 30/09/12.
Marie-Ange Guilleminot participera à la Nuit Blanche du 06 octobre 2012