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A.K. : Qu’elle est la définition du réseau TRAM ?

Caroline Coll : Tram est un réseau qui s’est constitué dans les années 80. C’était une structure assez modeste de six lieux qui étaient des lieux d’art contemporain dans la périphérie de Paris. Ils se sont regroupés pour faire valoir qu’il existait une programmation d’art contemporain au-delà du périphérique. Ces lieux sont des défricheurs de talents qui accompagnent, repèrent de jeunes artistes qui ne sont pas dans les circuits et souvent qui font un travail de défrichage, ce qui permet ensuite aux artistes d’évoluer vers des institutions plus grandes. C’est important de l’avoir en tête dans le contexte actuel,
parce que la France bénéficie d’un maillage territorial unique et extraordinaire de centres d’arts et de grandes institutions et que la dynamique de la scène de l’art contemporain fonctionne les uns avec les autres. Aujourd’hui, nous sommes est dans un contexte de restriction budgétaire et de course à l’événement, de regard sur les choses un petit peu spectaculaire. Ainsi, les sites qui font un travail de fourmis avec une prise de risque en terme de programmation ont beaucoup de difficultés à avoir une visibilité en regard des grands évènements qui se multiplient. De plus ce sont des lieux qui peuvent être fragilisés par rapport au contexte budgétaire dans les années qui viennent. Il peut y avoir beaucoup d’argent pour de gros évènements qui sont tape à l’œil tandis que les institutions se désintéressent d’un investissement à long terme sur des lieux qui fonctionnent comme des laboratoires de création. Ceci apparaît donc comme l’origine de TRAM. Cette association se réunissait pour unir ses moyens en terme de communication, d’échange et de réflexion pour faire circuler les artistes, les publics et avoir une programmation commune. L’association a augmenté, la structuration de TRAM est la loi de 1901 est les lieux adhèrent à l’association.

Le bus du TRAM

A.K. : Comment évolue le TRAM ?

C.C. : Peu à peu l’évolution de TRAM s’est faite avec l’adhésion de nouveaux lieux de plus en plus en périphérie et aussi à l’intérieur de Paris. Ces derniers avaient envie de participer à cette dynamique sur un territoire cohérent qui est celui de l’Ile de France. Aujourd’hui il y a 31 lieux fédérés par le réseau TRAM et qui sont très différents les uns des autres puisqu’il y a des centres d’art, des lieux plus singuliers comme l’Abbaye de Maubuisson qui est aussi un monument historique, des écoles d’art nationales comme Cergy et l’ENSBA, des écoles d’art municipales comme Gennevilliers et Rueil Malmaison. C’est important car ils préparent les jeunes aux concours des grandes écoles. Nous avons aussi un musée avec le Mac/Val qui constitue en tant que musée, une collection. Il y a une fondation comme la Maison Rouge. Mais nous intégrons des lieux qui ont un esprit de politique publique de l’art et de la culture. Les fondations privées qui s’intègrent ne sont pas des fondations d’entreprises mais d’intérêt général.

Immanence

A.K. : Quels sont les buts du réseau TRAM ?

C.C. : Le fonctionnement de l’association aujourd’hui est de plusieurs ordres. Nous avons tout d’abord réunit la programmation du réseau qui a permis la circulation du public dans différents lieux pour que l’amateur d’art contemporain de la région Ile de France ait une vision globale, panoramique de l’offre à un moment donné. D’où le fait que nous ayons un site internet avec une programmation constamment mise à jour et l’édition d’une brochure éditée trois par an. Cette communication est aussi un souci de visibilité. Quand on compare la situation de Paris par rapport à Londres ou Berlin, Paris reste une capitale extrêmement dynamique avec beaucoup d’artistes, des projets forts et complémentaires. En même temps Paris n’a pas l’écho qu’elle devrait avoir car le poids historique et patrimonial de la capitale est tellement fort que l’on va voir Paris comme la vie éternelle et non comme une ville vivante et dynamique.

A.K. : Votre désir est de supprimer cette séparation entre ville et banlieue ?

 

C.C. : Il y a eu une certaine anticipation des membres de TRAM de ce que pourrait être un grand Paris de l’art contemporain. Pour les acteurs de l’art contemporain qui aident les artistes et sont préoccupés de développement culturel, cette séparation entre Paris et la banlieue, cela fait très longtemps qu’elle semble non pertinente. Car elle dessine une cartographie du grand Paris avant la lettre qui parait intéressante.

Immanence

A.K. : Comment allez vous évoluer ?

 

C.C. : Nous allons vers une évolution de nos supports de communication justemment afin de mieux intégrer les nouveaux lieux et pouvoir donner une place en fonction des évènements à nos différents partenaires.

A.K. : Quelles sont vos directions de travail ?

 

C.C. : TRAM est un espace de réflexion et d’échange entre directeurs et équipes des différents lieux. Car nous avons une philosophie commune et travaillons de manière conjointe dans trois directions. Tout d’abord nous effectuons un travail en direction des publics puisque nous sommes des lieux de diffusion. Puis nous réalisons des aides à la création car nous accompagnons, nous finançons les projets de recherches, d’œuvres, d’expositions. Enfin, nous sommes des lieux de médiation. Avec l’idée importante que dans les lieux de TRAM, il y a des services au public. Il y a en effet un gros travail de formation à l’art contemporain fait en direction du public. C’est donc un lieu d’échange d’expérience et de mutualisation. Cela se fait notamment par des journées professionnelles. Une fois par an, nous réunissons tous les acteurs de TRAM pour avoir des thèmes de réflexion communs. Nous avons aussi tous les deux ans une programmation commune dans les 31 lieux. Elle pose la question de l’ « Hospitalité » à travers l’art, qui est la nôtre, qui transgresse les frontières et dans le travail des artistes contemporains engage une interrogation politique forte sur la question des déplacements, des circulations des populations et de ce monde en mouvement au delà des questions de nationalités. Ce qui pose évidemment la question des clivages entre les pays pauvres et riches. « Hospitalité 2011 » reprend la même formule que celle de 2009. De septembre à décembre, tous les samedis, il y a une proposition faite de programmation conjointe avec des visites d’expositions en présence des commissaires et des artistes, des débats…

La Maison Rouge

A.K. : Comment sont nés les Taxis tram ?

C.C. : Nous les avons mis en place il y a 5 ou 6 ans. Cette formule est de plus en plus sollicitée par le public. Elle résout le problème de la mobilité en Ile de France. On se rend compte que ce qui bloque le déplacement dans les lieux d’art contemporain, ce n’est pas la réalité du trajet mais la représentation que l’on s’en fait. Le taxi résout ce problème, les gens sont pris en charge. Nous les allègeons de cette préoccupation et nous résolvons cette question d’inaccessibilité. Ensuite ils sont prêts à faire le trajet tout seul.
Dans les taxis tram nous soignons énormément l’accueil du public puisque dans l’institution, le visiteur est reçu par le directeur du lieu, les commissaires d’expositions, les artistes. Donc c’est une spécificité car l’art contemporain, c’est de l’art vivant. C’est fait par des contemporains pour des contemporains. Donc il y a une cohérence dans le fait qu’il y ait une rencontre, un échange. Les parcours sont réalisés en fonction de l’actualité des lieux et en fonction de la géographie. Il y a une volonté de casser la barrière entre Paris intra muros et extra muros. L’idée d’une évolution. Aujourd’hui nous sommes dans une filiation, nous sommes dans une logique de continuité, de fluidité, de circulation. Le réseau est une pensée de référence, c’est pour moi qui suis coprésidente de Tram, ce qui, par définition, n’a « ni queue ni tête ». C’est une instance démocratique où il n’y a pas de chef de file, mais une égalité de fait. Il n’y a pas de hiérarchie institutionnelle entre les lieux mais tout le monde est complémentaire avec sa spécificité et son identité. La richesse de ce réseau est la diversité des structures, dans le projet artistique, dans le mode de fonctionnement, de gestion… C’est pour nous l’intérêt de faire vivre cette richesse.

La villa des Tourelles

A.K. : Vous avez donc une sorte de véritable philosophie ?

 

C.C. : Nous avons à TRAM une logique horizontale et non verticale qui n’a pas de principe d’autorité mais un principe d’échange et de partage, de tolérance. C’est une belle manière de construire les choses. Nous sommes aussi sollicités pour des aspects très valorisants comme à l’intention de professionnels qui veulent découvrir des lieux d’art du réseau On est presque un opérateur social. Nous avons une logique de politique publique de la culture. On travaille à une échelle internationale mais beaucoup aussi sur le développement local et territorial. Nous sommes aux deux bouts de la chaîne. Par exemple nous avons organisé des taxis tram pour des habitants de quartiers de la ville de Paris comme le XIXème arrondissement.

A. K. : Comment s’organisent les Taxi Tram ?

C.C. : Pour le grand public, il y a un à deux Taxis TRAM par mois. L’activité est subventionnée. C’est pour cette raison là qu’on ne peut pas les multiplier. Par ailleurs nous avons aussi des demandes aussi de deux à trois taxis par an pour des groupes professionnels.

A.K. : Quelles sont vos perspectives ?

 

C.C. : Nous avons des perspectives de développement du réseau car de plus en plus il se constitue également des réseaux dans les différentes régions. Il est prévu en 2012 qu’il y ait trois jours de rencontres entre tous ces réseaux. A l’étranger de même. Les lieux entre eux éprouvent le besoin de fonctionner sur des plateformes communes de valeurs et cela se démultiplie. Donc nous évoluons de plus en plus dans cette politique d’échange avec les autres réseaux français.

 

Interview réalisée le 27/09/10 par Anne Kerner