“Ce que j’aime chez les artistes, c’est leur capacité à s’exprimer sur des choses radicales, des choses que les mots ont parfois du mal à dire, des choses sur la vie et la mort, le monde et soi-même, la répulsion et le désir, la crainte et l’attente.

Adel Abdessemed est de ceux-là. Sa vie, son coeur, ses entrailles, son intelligence, son regard sur lui et sur les autres sont bien les vrais moteurs de sa création. Quels soient les moyens qu’il utilise pour « faire de l’art », que ce soit la photographie, la vidéo, le dessin, les installations et ce qu’il sera convenu d’appeler la sculpture, c’est bien toujours au même travail de décryptage des signes, des symboles, des images, des émotions qu’il se livre.

Que ces oeuvres s’intitulent « Pluie noire », « Grève mondiale », «Séparation », « Soccer Ball », « Crise 2011 », « Birth of Love » ce sont, on le voit, toujours des situations, des sensations ou des expériences radicales qui nourrissent l’oeuvre de cet artiste exigeant.
Adel Abdessemed observe le monde, son énergie, sa violence parfois, avec lucidité. Il en remet en cause les moteurs médiocres et complaisants pour toujours réveiller la conscience de celui avec lequel son oeuvre établit une relation. À cet égard, lui qui a connu la violence de l’histoire, s’inscrit dans l’immense tradition des oeuvres de témoignage et de protestation qu’ont illustrées, à des siècles de distance, Matthias Grünwald quand il peint le polyptique d’Issenheim ou Pablo Picasso quand il oppose Guernica à la barbarie des Hommes.

Adel Abdessemed est un artiste sincère, profond, généreux et intelligent. C’est un grand artiste. C’est la raison pour laquelle son oeuvre me passionne depuis une dizaine d’années et qu’elle occupe désormais, dans ma collection, une place importante, comme ont pu le montrer les expositions Passage du temps à Lille (2007), Qui a peur des artistes ? à Dinard (2009), Un certain état du monde à Moscou (2009) ainsi que Mapping the Studio et Éloge du doute à Venise (2009 et 2011).
Je suis fier que le chef-d’oeuvre qu’est « Décor » ait pu rejoindre ma collection et qu’il soit présenté, pour la première fois, en France, à Colmar, au musée d’Unterlinden, face au chef-d’oeuvre du début du XVIe siècle qui lui a servi de référence.”

François Pinault

 

Décor, AdelAbdessemed, 2011-2012, fil de fer barbelé, Collection François Pinault Foundation, CourtesyAdelAbdessemed and David Zwirner, New York, Retable d’Issenheim, Grünewald, Vers 1512 – 1516, technique mixte (tempera et huile) sur panneaux de tilleul, Musée Unterlinden, Colmar, Photo : Christian Kempf.