Pour Drawing Now 2012, la galerie Iffrig de Strasbourg se déplaçait pour présenter et fêter à Drawing Now, les 20 ans des “dessins du troisième jour” de Marc Couturier. Un travail à la fois infinitésimal et monumental, fragile et précieux. Une quête merveilleuse du sacré que Jean de Loisy dévoile en 2013 dans son Musée Imaginaire de Drawing Now Paris.
Regarder le monde avec les yeux de Marc Couturier, c’est enfin voir. Voir la beauté d’un reflet sur l’eau qui l’abreuve depuis l’enfance. D’un morceau de bois tellement abîmé, éprouvé, trouvé on ne sait où, qui prend tout à coup la forme d’une cathédrale. Celle encore de l’immatérialité d’une lame. Ou encore d’un vieux reste de fut nimbé d’auréoles métamorphosé en paysages fous, sauvages, mystérieux. Savoir contempler et accueillir l’univers. Le laisser venir à soi. Pour en garder les plus beaux incidents, les souvenirs du temps passé. Du temps présent. Tel pourrait être la quête picturale et sculpturale, subtile et sublime de cet homme si cultivé et si respectueux, de ce magicien qui ose simplement proposer à l’autre ce qu’il ne voit pas. Toucher du regard, frôler la beauté du quotidien, caresser doucement, si doucement le papier, réaliser des installations pour mettre en valeur l’éblouissement d’une ancienne barque en bois ou la lumière des vitraux d’une église. Dans l’atelier de Marc Couturier, si calme et retenu comme son propriétaire, pourtant au cœur de l’effervescence du XVIIIème arrondissement de Paris, le visiteur apprend. Et se laisse guider, spirituellement, tranquillement par l’artiste qui explique son travail, sa démarche consciencieusement, son concept du « redressement » qu’il a créé depuis les années 90. « Entre la nature qui imite l’art et l’art qui imite la nature », dit-il en rappelant Oscar Wilde. Le voici qui étale ses petits dessins sur la table, les sort de leurs boites précieuses et fragiles. Un à un. Perfection du moment. Du mouvement. De l’instant. Où l’homme touche au sacré. L’espace, bien rangé dévoile ses secrets. Sur les murs, posés au sol, contre les vitres, sur des étagères, partout des œuvres. Les siennes, dessins, aquarelles, peintures, et celles récoltées, glanées dans la nature, dans l’architecture. L’artiste parle encore de ses techniques, vous donne en main le tout petit stylet à la pointe d’argent avec lequel il dessine. Dessine encore. Et toujours. Depuis 20 ans. Un geste automatique qui vient du plus profond de l’être. De son bouillonnement, des tremblements du lointain intérieur qui ressurgit. Là. Sur de petits formats, ou, comme par exemple, au Centre Pompidou de Metz, sur une immense surface.Un geste répétitif toujours commencé en haut et à gauche du support. Compulsif, rapide, incessant. Nécessaire. Ces « dessins du troisième jour », ont déjà parsemé le monde. Et rassemblé les hommes. Par leur magnifique simplicité et leur exubérance, par leur trait aussi fin qu’un cheveux d’ange, par les merveilleux et toujours renouvelés voyages qu’ils offrent au regard. Léonard de Vinci osait déjà laisser travailler son imagination en regardant les murs, plus tard ce fut au tour des « nuages, ces merveilleux nuages »… Et l’on ose, ici, dans l’atelier de Marc Couturier, comme Marguerite Yourcenar, s’étonner : « Quoi l’Eternité ? »
Anne Kerner
Marc Couturier, galerie Yves Iffrig, 6, rue des Charpentiers, 67000 Strasbourg. 00 3 88 32 30 81.
Marc Couturier est présent dans le Musée Imaginaire de Jean de Loisy à Drawing Now 2013.