Nous avons découvert les oeuvres organiques et intimes de Michel Huelin en 1999 à la galerie Zürcher. Cette oeuvre déstabilisante et joyeuse en même temps se métamorphose au fil du temps pour livrer des paysages travaillés, retravaillés, “recouverts”. Plus mélancoliques aussi.
« Mes travaux s’inscrivent dans une relation équivoque avec la nature » souligne l’artiste suisse Michel Huelin qui procède par une approche transdisciplinaire. Peintre, ses paysages des années 90 étaient déjà tributaires de pratiques aussi diverses que la vidéo et le ski de haute montagne ! Des paysages tellement détournés dans leur représentation que celle-ci apparaît comme la manifestation d’un trouble, à commencer par celui de la vision.
Depuis le début des années 2000, Michel Huelin brouille les repères, offrant un mélange d’éléments de l’espace intime (issu de ses études sur le design mobilier) et de l’espace interne (issu de son travail sur l’imagerie médicale), initiant une esthétique organique qu’il développe autant de manière physique par la peinture (huile et résines alkydes) que de manière numérique par des images générées par ordinateur. Le processus lancé par l’artiste crée des variations phénotypiques offrant l’illusion du principe fondamental de l’évolution.
Michel Huelin obtient ainsi l’image d’espèces nouvelles dont le caractère fictionnel ne suffit pas à écarter le trouble qui saisit le spectateur en constatant que cet environnement artificiel prend une place aussi “naturelle”. D’autant que dans la nature, ces « invasive species » – ainsi que l’artiste les a lui-même désignés – possèdent des caractères très proches de ceux que l’artiste met en œuvre virtuellement, en particulier la capacité d’une reproduction asexuée, rapide et à ce point capable d’adaptation en toutes circonstances.
Michel Huelin délivre ainsi des images conformes aux représentations possibles d’un écosystème du futur génétiquement modifié. Avec cette évolution technique, les préoccupations éthiques prennent une place prépondérante. Michel Huelin imagine un univers de mutations suscitant à la fois la fascination et le malaise, manifestations d’une techno-nature en expansion selon un principe de prolifération, comme la nature elle-même sans contrôle ni limite hormis celle de la perception du détail, cette notion même devenant elle- même imperceptible et floue. La complexité du processus pictural lui-même renforce encore cet état d’hybridation.
Entre les Landscape Recovery et les Recovery Landscape la différence est, en premier lieu, technique: les premiers recourent au lambda print quand les seconds sont des images imprimées sur des transparents puis peintes, puis scannées et enfin imprimées en jet d’encre sur un papier légèrement texturé. Les peintures proprement dites ne donnent pas moins l’illusion de l’irréalité. Comme l’indique Michel Huelin : « cette prolifération est quantifiable, le fouillis et le désordre sont fictifs et ne cherchent pas à passer pour réels ». Bernard Zürcher
2016 / Landscape Recovery, Galerie Zürcher, Paris (Solo) ; Galerie Laurence Bernard, Genève ; Thirty Year Anniversary, Galerie Fabian & Claude Walter, Zürich
2015 / Internal Landscape, FABRIKculture, Hégenheim (Solo) ; Thirty Year Anniversary : Cyborg, Zürcher Gallery, New York ; L’Humen, La Nef, Le Noirmont ; Laurent Marthaler Comtemporary, Montreux ; Laurent Marthaler Comtemporary, Porto Cervo ; Jamais aussi proche Objectif Gare, BCV, Lausanne. 2014 / Solo show, artgeneve, Blancpain Art contemporain, Genève ; Zurtopia, Zurcher Studio, New York ; Plateforme(s), Centre d’art contemporain, Yverdon-les-Bains ; Parti Pris, Blancpain Art contemporain, Genève ; Maison et Travaux, Collection Fonds d’art contemporain de la Ville de Genève, Villa Dutoit, Genève. 2013 / Reality is not a common place, Photographs and Videos from the Julius Baer Art Collection, Museo Cantonale d’Arte, Lugano ; Du Gueulard, Collection Jurassienne des Beaux-Arts, St-Ursanne.
Michel Huelin, Landscape Recovery, galerie Zürcher, 56, rue Chapon, 75003 Paris.
Du 21/05 au 09/07/2016