La Galerie Karsten Greve présente l’exposition Wood Plaster Paint consacrée à Joel Shapiro. Fasciné par le déploiement de la matière dans l’espace, l’artiste newyorkais conçoit la sculpture comme une condensation de son expérience : le mouvement de l’œuvre est alors le miroir d’une pratique émotive concrétisée dans l’espace, ce qui donne vie à un art de la vibration et de l’extase.

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On ne présente plus l’immense artiste newyorkais Joel Shapiro. Ses sculptures ont conquis le monde entier avec leur mouvement minimal et intense qui livre un art vibratile et quasiment extatique. Et les œuvres de la galerie nous plongent dans cet état merveilleux où l’on se moque totalement si l’on est face à une œuvre figurative, conceptuelle ou abstraite. Peu importe ! Shapiro va loin. Bien plus loin. Au delà de toutes les limites pour simplement laisser le visiteur vivre l’espace. Autrement. Les oeuvres présentées ici et réalisées depuis les années 80 se développent avec grâce dans les pièces de la galerie. En fonte, argile ou bois, elles traversent le temps. Comme un élan. Vif, fragile, sensuel. A.K.

Galerie Karsten Greve, 5, rue Debelleyme, 75003 Paris.  Tél : 01 42 77 19 37. Jusqu’au 23 août.

Informations sur l’exposition

L’exposition présente des œuvres aux matériaux et aux pratiques divers réalisées à partir des années 80. Bien que différentes, chaque œuvre a la caractéristique de démystifier les catégories supposées mais tant déclamées entre art figuratif, abstrait ou conceptuel, en ramenant ainsi l’attention au hic et nunc de l’œuvre.

La perception des œuvres de Joel Shapiro est possible seulement lorsque l’on considère la forme comme un langage en soi, renonçant au moins au début à toute description verbale. Le travail de l’artiste a toujours été centré autour de la notion d’espace et de l’expérience qu’on en fait : se développant dans toutes les directions, la forme des sculptures se déploie dans les salles et envahit les trois dimensions dont elles se composent. L’objectif de l’artiste est la liberté de la sculpture, aussi bien dans sa légèreté que dans son ancrage au sol : de cette manière les œuvres instaurent avec le spectateur un rapport dynamique qui est fait de proportions, de distances et de directions. Pour ne pas nuire à ce dialogue, dès les années 80 Joel Shapiro supprime de ses sculptures le socle qui, comme le cadre ou la scène, a l’obscur pouvoir d’éloigner l’art du monde.

Le dynamisme des sculptures de Joel Shapiro est donné principalement par deux aspects : la disposition des éléments et leur couleur. L’artiste commence à peindre le bois pour en quelque sorte le transformer : la couleur permet de changer la forme, de l’enrichir d’un sens qui autrement lui échapperait. Un élément se fait par exemple plus épais et volumineux s’il est peint en noir : la couleur modifie la perception de la forme et, par conséquent, la présence de la matière devant l’observateur. Dans ce sens, si la sculpture garde la mémoire du mouvement, la couleur aide à l’évoquer. Le processus créatif se fait lui-même en devenir : l’artiste retravaille la configuration en remaniant la disposition des éléments jusqu’à ce qu’il trouve une forme qui ait du sens, puisque la forme, au de-là des mots, signifie quelque chose.

Le travail de Joel Shapiro se décline dans des techniques et des matériaux divers : son corpus se compose de dessins, sculptures en bronze, fonte, plâtre, argile ou bois. Coulés dans le bronze, les morceaux de bois gardent tous les détails du matériel préalablement travaillé : les veines, les nœuds et les autres irrégularités sont ainsi figées dans le métal, témoins d’une vitalité qui reste ainsi visible. Les sculptures de Joel Shapiro prennent parfois la forme d’installations architecturales : connectés entre eux par du fil de fer, des clous ou des vis, les éléments composant l’œuvre forment des constellations suspendues dans un équilibre parfait et presqu’idéal. Le spectateur peut alors pénétrer l’espace habité par l’œuvre et y déambuler.

Si le spectateur est sans doute libre dans sa perception de l’œuvre et il peut attribuer aux formes ce qu’il croit reconnaitre en elles, les sculptures de Shapiro ne sont pas volontairement figuratives : elles évoquent quelque chose sans le représenter explicitement. Ce qui est intéressant dans son travail est que, quoique non figuratif, il n’est pas non plus abstrait. Les sculptures sont envahies d’une attitude, d’un élan qui parfois rappelle une entité sans pourtant la signifier directement. Il s’agit donc d’une sculpture vitale et pleine de possibilités qui n’est pas la synthèse de quelque chose en particulier et qui vise toujours la vibration de l’œuvre : les sculptures de Joel Shapiro condensent une action, un mouvement qui passe d’un élément à l’autre et qui permet ainsi de sentir l’espace.

Joel Shapiro est né en 1941 à New York où il vit et travaille. Il a reçu les distinctions de l’Académie royale suédoise des arts en 1994 et de l’Académie américaine des arts et des lettres en 1998. En France, l’artiste est nommé Chevalier des Arts et des Lettres en 2005. En 2013 les Etats-Unis lui ont attribué le prestigieux National Art Award for Outstanding Achievement. Parmi ses commandes publiques les plus importantes figurent celles pour le Musée Mémorial de l’Holocauste de Washington et pour l’Ambassade d’Ottawa. Ses œuvres ont intégré de nombreuses collections internationales telles que le MOMA, le Metropolitan Museum de New York, le Centre Pompidou et la TATE Gallery.

(Images, @Joel Shapiro, courtesy galerie Karsten Greve)