Noé Duchaufour-Lawrance envahit les espaces de la galerie des Gobelins avec ses toutes dernières oeuvres immaculées et fantomatiques. Superbe.
Imaginez-vous, seul(e), déambulant dans une grande demeure, passant de pièce en pièce, où chacune serait occupée par des meubles recouverts d’un drap blanc. C’est ce voyage que nous propose le jeune designer Noé Duchaufour-Lawrance dans sa Carte blanche de la Galerie des Gobelins. Les dernières créations du designer réalisées avec l’Atelier de Recherche et de Création (ARC) du Mobilier national (collection Transmissions) sont en effet inspirées par l’imagerie collective des silhouettes de meubles fantomatiques recouverts de tissus blancs qui sommeillent à l’abri des grandes maisons.
La structure du mobilier (une table, une chaise et une enfilade) est en chêne, une essence qui rappelle la tradition française de l’ébénisterie, et est agrémentée d’une coque composite en fibre de lin gainée de cuir blanc. La conception de ce projet s’est appuyée sur une double culture, celle du savoir-faire d’ébénisterie d’exception et une approche technologique liée aux matériaux composites. Les parties menuisées de ces deux meubles ont été voulues les plus pures possibles, afin d’accentuer la dualité des formes et de rendre hommage aux techniques d’ébénisterie et de menuiserie les plus perfectionnées. Les formes d’assemblages d’ébénisterie de la chaise et du bureau en pointe de diamant font appels à un lexique technique assez large. Les techniciens d’art ont ainsi exprimé tout leur savoir-faire pour répondre au projet du designer : assemblages en enfourchement, tenons, mortaise, pigeon. Ces techniques et ce travail de coupe du bois se sont répondus avec exigence à chaque étape pour donner naissance à des lignes et des courbes parfaites.
Les coques sont volontairement dissociées des parties en chêne et semblent flotter au-dessus des meubles. La technique d’imprégnation des coques, le RTM light (Résine Transfer Molding), permet un langage formel plus fluide inspiré par la souplesse du tissu. Elles sont partiellement gainées de cuir blanc afin de faire valoir la vibration de la matière naturelle de la fibre de lin. Ce dispositif rappelle le tissu déposé sur les tables dans les maisons passées. Le dialogue entre les matériaux, le bois, le cuir, la coque en fibre de lin permet de révéler et de préserver au mieux la singularité des matériaux et des techniques utilisés.
En déambulant dans le Salon carré, en cheminant entre des fantômes de meubles, on découvre petit à petit les créations de Noé Duchaufour Lawrance. Le jeu de cache-cache qui se présente au spectateur, une scéno- graphie conçue par le designer, met en scène le processus créatif et évoque le parcours sinueux d’une idée vers sa réalisation. Cette Carte blanche permet de rendre visible la poésie de la création d’un designer.
Noé Duchafour-Lawrance, Galerie des Gobelins, Paris.
Du 20.10.2016 au 04.01.2017