Après les images impresionnantes du Cabaret burlesque de Stanislas Guigui, c’est au tour du photographe Boris Mikhaïlov né en 1938 à Kharkov, de présenter ses photographies pour la sixième fois à la Galerie Suzanne Tarasieve.
Dès l’entrée dans l’exposition, Boris Mikhaïlov donne le ton. Toujours le même ! Toujours fort, puissant, érotique aussi ! Et c’est par la photographie de sa muse Vita, métamorphosée en figure de proue d’une locomotive arlésienne tenant le drapeau français dont les seuls bleu, blanc, rouge colorent cette superbe image en noir et blanc que débute l’exposition. Ca commence vigoureusement et l’on ne s’en plaint pas. Les Rencontres d’Arles ou Paris Photo devraient se l’arracher ! En pendant à cette femme d’une beauté héroïque, voici Boris, tout de son vieux caleçon bleu vêtu et bien moins sexy que sa dulcinée qui s’accroche à la locomotive !!! Contraste amusant, subversif, ironique, Mikhaïlov n’en fait toujours qu’à sa tête et c’est son irrésistible colère, sa liberté totale d’expression qui nous entraînent tout au long de cette exposition où il dévoile cinquante images réalisées en 1989. L’artiste âgé aujourd’hui de 76 ans qui vit entre Berlin et sa ville natale d’Ukraine, les a accrochées tout en longueur dans les salles du rez de chaussée de la galerie. Et c’est une enfilade de formats panoramiques qui n’est autre qu’une ballade, que cet ex-ingénieur brimé sous le régime totalitaire pour cause de photos érotiques et politiques, présente. Mais 1989, c’est aussi la liberté, le premier voyage en France, Arles, Paris…. l’émerveillement face au monde nouveau occidental.
Voici donc de nombreux portraits, des paysages, des vues de cette France qui fascine l’artiste russe aux souvenirs remplis de photographies brulées et d’appareils cassés. Les images, souvent dédoublées sont toutes retouchées par Mikhaïlov. Et voilà qu’il souligne les seins de femmes assises les unes à côté des autres, peint de rouge les lèvres d’un couple, surligne d’or les détails de monuments… Parfois son trait s’énerve, frotte et gratte. Son pinceau tournoie derrière les personnages, les cieux se noircissent. Si l’on est loin de sa série “At Dusk” de 1993 ou de “Case History” de 1997-98, très sombres, quasi insoutenables, où il montrait grandeur nature des femmes, des hommes, des enfants souvent nus et le corps déformé, affligé, tuméfié par le la détresse, la désolation, le labeur de ce régime communiste insupportable, le spectateur retrouve toujours son amour du photomontage, du mélange absolu des genres… Son but ? L’engagement et non l’esthétique. Et pourtant ! C’est face à une oeuvre d’une puissance inégalable que nous sommes. La preuve en est aussi la trentaine de photographies présentes qui dévoilent encore des images beaucoup plus érotiques, composées savamment sur les murs de la galeries. Une oeuvre grandiose et démesurée.
Boris Mikhaïlov
7, rue Pastourelle, 75003 Paris
Du 10/01 au 28/02/15
(Images de haut en bas; Boris Mikhaïlov, Série : Arles, Paris … and., 1989-2014, C-print, drapeau, 132 x 100 cm, Courtesy Galerie Suzanne Tarasieve, Paris; Vue de l’exposition “Arles, Paris … and.”, Galerie Suzanne Tarasieve, Paris, 2015, Courtesy Galerie Suzanne Tarasieve, Paris; Boris Mikhaïlov, les trois images de la série : Arles, Paris … and., 1989-2014, Tirage argentique noir et blanc, stylo doré et argenté, gouache, 17 x 30 cm, Courtesy Galerie Suzanne Tarasieve, Paris)