Né, en 1944, à Nový Jicin ou Neutitschein, le cinéaste Harun Farocki a réalisé, depuis 1966, plus de 100 productions pour la télévision et le cinéma réunis. Il compte aujourd’hui parmi les réalisateurs majeurs, en matière de films documentaires. A l’occasion de son soixante-dixième anniversaire de l’artiste, la galerie Thaddaeus Ropac présente pour la quatrième fois une exposition personnelle du vidéaste et cinéaste expérimental berlinois Harun Farocki dans sa galerie du Marais.
Avec Harun Farocki, la Galerie Thaddaeus Ropac présentait pour la première fois en 2007 un cinéaste et artiste dont l’œuvre a marqué de façon décisive l’histoire du film politique depuis la fin des années soixante. À côté d’une centaine de productions réalisées pour la télévision et le cinéma, Farocki a œuvré à la transmission de ses réflexions sur le rapport entre la société, la politique et l’image animée pendant ses longues années d’activités comme auteur et rédacteur de la revue Filmkritik, mais aussi comme commissaire d’exposition et professeur à Berkeley, Harvard et Vienne. Son importance pour les arts plastique se manifeste par des présentations de panoramas de ses films dans des institutions telles que la Tate Modern de Londres et par des expositions personnelles au MUMOK de Vienne, au Jeu de Paume à Paris, au Museum Ludwig de Cologne, au Kunsthaus de Brégence, au Museum of Modern Art de New York et, pour finir, au Museum of Art de Tel Aviv. L’importance de ses films et installations dans le contexte artistique se mesure surtout à ses deux participations à la documenta, en 1997 et en 2007, ainsi qu’à la Biennale de Venise, cette année.
Une installation en quatre volets intitulée Parallele I-IV (2012-2014) à laquelle Farocki a travaillé pendant ces deux dernières années sera présentée pour la première fois lors de l’exposition parisienne. Celle-ci coïncidera avec une exposition personnelle à la Nationalgalerie de Berlin (Hamburger Bahnhof) du 5 février à la fin juillet 2014.
Depuis des années, une question parcourt l’œuvre de Farocki telle un leitmotiv : comment les images fabriquées à l’aide des nouvelles technologies influencent et déterminent-elles notre espace social et politique, nos consciences et nos habitudes ? Dans ce dernier cycle, Farocki décrit l’histoire des trente années d’existence de l’image générée par ordinateur tout en se concentrant sur ce qui concerne l’animation. L’hypothèse qui sous-tend ce travail est que nous vivons dans des mondes producteurs d’images de synthèse, que Farocki qualifie de typiques et idéales. La réalité semble cesser bientôt d’être l’étalon d’une image imparfaite, mais l’image virtuelle devient l’étalon d’une réalité imparfaite.
« Dans Parallele, ce cycle en quatre volets, il s’agit d’images d’animations générées par ordinateur. Ce type d’images est en train de devenir un modèle qui rivalise avec le cinéma. Au cinéma, on a le vent qui souffle et le vent produit par une soufflerie. Dans les images générées par ordinateur, ces deux sortes de vent n’existent pas.
Parallele I ouvre le cycle par une petite histoire du style de l’infographie. Les premiers jeux des années quatre-vingt ne connaissaient que les lignes verticales et horizontales. Cette abstraction était ressentie comme lacunaire ; aujourd’hui, c’est le règne d’un style représentatif s’orientant au photoréalisme.
Parallele II et III interrogent les limites du jeu et la nature des objets. Il apparaît que de nombreux univers du jeu ont la forme d’un disque qui plane dans l’univers, un souvenir des représentations du monde pré- hellénistique. Ces mondes présentent une rampe à l’avant et une perspective à l’arrière à la manière des scènes de théâtre. Dans ces jeux, les choses n’ont pas d’existence en soi. Chacune de leurs propriétés doit être construite à part puis leur être attribuée.
Parallele IV examine les héros du jeu, les personnages principaux que les joueurs et joueuses poursuivent à travers le Los Angeles des années quarante, les univers post-apocalyptique, les paysages de western ou d’autres genres de mondes. Ces héros n’ont pas de parents, pas de maîtres, ils doivent eux-mêmes découvrir les règles en vigueur. Ils ne possèdent guère plus qu’une expression faciale et quelques traits de caractère qu’ils manifestent par un petit nombre de phrases laconiques et de valeur égale. Ce sont des homuncules, des humanoïdes créés par l’homme. Quiconque joue avec eux participe de la fierté du créateur. » (Harun Farocki)
À l’occasion de son soixante-dixième anniversaire, qu’Harun Farocki célébrera cette année, ainsi que des expositions monographiques de Berlin et de Paris, les éditions de la librairie Walther König publient Harun Farocki, Diagrams, un livre qui tente pour la première fois d’aborder l’œuvre de Farocki par le biais de la disposition spécifique de ses images et des styles d’un ensemble de 15 films et installations.
Harum Farocki, galerie Thaddaeus Ropac, 7, rue de Belleyme, 75003 Paris. Du 15/01 au 15/02/14.
(Images, copyright Harum Farocki, courtesy galerie Thaddaeus Ropac, Paris)