Des images somptueuses travaillées et retravaillées pour un brouillage des pistes.
On craque pour ce travail tout en finesse et délicatesse réalisé avec du papier, des photographies coupées, montées travaillées. Avec des images de femmes, des ors et des argents qui se fondent et se confondent pour réaliser des oeuvres où la mémoire et la trace historique sont primordiales. A.K.
Le titre de l’exposition, « Les choses sont ce qu’elles paraissent », en français, pourra sembler paradoxal, dans la mesure où il s’agit pour la quasi-totalité d’images de propagande datant de la seconde Guerre Mondiale, que l’artiste a récupéré avant de les retravailler. Images fabriquées, composées, les photographies de propagande s’opposent a priori à l’idée qu’on peut se faire d’une image « vraie ». Qu’elles présentent la réalité sous son meilleur jour ou sous le pire, leur registre est celui de l’illusion.
Ce sont ces faux-semblants que reproduit et modifie Servane Mary, et une fois ces images ainsi mises à distance, elles disent une dimension essentielle de leur contexte historique, qui est justement le fait de la propagande, l’importance déterminante du « paraître » dans cette histoire. Pour Servane Mary, les images sont aussi matérielles que les supports sur lesquels elle les transfère. Ce sont des entités physiques qui, dans cette exposition, ont été reproduites sur des supports et avec une technique identiques pour toutes les images : des impressions jet d’encre sur des feuilles de mylar (un type de film synthétique utilisé notamment pour les couvertures de survie). Les associations suggérées par ce matériau et ce procédé sont également contradictoires – survie, préservation d’un côté, effacement ou brouillage de l’autre.
Ce qui était des images destinées à susciter l’adhésion des masses, des images fortes et rassurantes, montrant les femmes américaines au travail pour participer à l’effort de guerre, sont fragilisées par les « ratés » de la reproduction ; elles sont rendues à leur état de trace historique, et à la place secondaire qu’a occupé dans la mémoire historique cet engagement après la fin du conflit.
Servane Mary vit et travaille à New York. Elle a exposé récemment à la galerie Jose Martos (NY, 2012), ainsi qu’à Carriage Trade (« Family Portrait », exposition collective, 2012) et au Swiss Institute de New York.
Servane Mary, galerie Triple V, 24 rue Louise Weiss, 75013 Paris. Du 14/09 au 09/11/13.
(Images, courtesy de l’artiste et de Triple V, Paris)