La grande artiste afro-américaine Lorna Simpson investit le premier étage du jeu de Paume avec autant d’élégance que de puissance. Une scénographie à son image, des oeuvres en noir, blanc et or. 30 ans de superbe.
L’exposition de Lorna Simpson au Jeu de Paume apparaît magistrale. La superbe scénographie, les œuvres choisies, emportent le visiteur dans l’univers aussi élégant qu’intellectuel de l’artiste. En contemplant ses trente ans de travail… tout à coup apparaît Lorna Simpson. Juste. Collée, calée à son œuvre. Belle, mince, vêtue de noir, comment en pourrait-il être autrement, et un côté glamour qui emporte vers la poésie. Sa parole est sûre, le ton un peu sexy, Lorna Simpson présente avec brio sa première exposition en Europe qui se poursuit actuellement à Munich.
L’artiste afro-américaine née à New York en 1960, joue ainsi dans toute l’oeuvre à découvrir au Jeu de Paume, avec l’image et le texte, depuis les années 80. Nourrie par la littérature et la poésie, ses mots inséparables de ses images, demeurent liés dans leur intimité. Première femme noire invitée à la Biennale de Venise, Lorna Simpson aime bousculer les règles avec panache. Couleur, peau, race. Identité. Culture. Mémoire. Le corps noir devient sa source de travail au travers de différents médiums. Le personnage comme son œuvre apparaissent inédits. Bouleversants aussi. Car « pour la première fois dans l’histoire de l’art américain, une femme artiste, engagée dans une réflexion mêlant histoire culturelle africaine-américaine et mémoire de l’esclavage, héritage des avant-gardes artistiques ou cinématographiques et photographie conceptuelle, questions raciales et sexuelles, conscience politique et pensée critique, va intégrer le milieu de l’art « mainstream » et international en avançant les notions de marginalité, d’invisibilité ou de stéréotype », écrit Elvan Zabunyan dans le catalogue de l’exposition. Toute la manifestation dévoile ce cheminement sans cesse remis en cause depuis trente ans où chaque œuvre montre autant le talent d’écrivain que le génie de photographe. Comme l’artiste le remarque : “Le thème vers lequel je tends le plus souvent est le souvenir. Mais au-delà de ce sujet, le fil conducteur commun est ma relation au texte et aux idées autour de la représentation.“ (L. S.) Incroyable, la série « Wigs » (1994-2006) où le regard est emporté par l’ampleur de l’installation comme par la finesse merveilleuse du grain de ces cheveux d’une beauté à couper le soufle. « Stereo styles » (1988) propose dix nuques surmontées chacune d’une coiffure différente. Une nouvelle installation vidéo,” Chess“, (2013), où l’artiste s’est filmée à la fois en homme et en femme en train de jouer aux échecs, a été créée spécialement pour l’occasion. Partout et tout le temps, Lorna Simpson secoue les conventions de la figuration et de l’art du portrait. Et si à l’époque, Cindy Sherman projetait des vidéos sur son corps, Barbara Kruger détournait l’autorité du slogan publicitaire, Lorna Simpson, en juxtaposant texte et image dans ses oeuvres, posait au spectateur une désormais totalement nouvelle « lecture » (Naomi Beckwith) du sujet. L’artiste noue et dénoue toujours avec une grande dextérité et complexité toutes les questions de la société et de l’art contemporain de la fin du XXème siècle et avance toujours autant dans le questionnement que dans la grâce. Une femme, une œuvre, une exigence. Magistrale !
Lorna Simpson, Jeu de Paume, place de la Concorde, Paris. Jusqu’au 01/09/13.
Lorna Simpson, Munich, Haus der Kunst, du 23/10/13 au 19/01/14.