Considéré comme la plus immédiate expression de l’esprit, le dessin paraît tenir une partie de son prestige de cette intimité avec la pensée dont il ne serait qu’une extension dans le visible. Tracé au doigt dans l’argile tendre, figure charbonneuse posée sur un rocher, entaillée dans du bois ou sur un os, forme nouée par une ficelle relâchée chez les inuits, ombre portée retenue par la fille de Dibutades, lassitude griffonnée pendant une conférence, ou signe graffé sur une rame de métro, le dessin s’empare de tous moyens pour nous énoncer. Mais le monde dessine également sans nous. Les branches emmêlées, les rides sur un visage, le parcours des vers dans le bois de nos vieux meubles, tout devient signe et nous entrons d’emblée dans les visions de Novalis : « figures qui semblent appartenir à cette grande écriture chiffrée qu’on rencontre partout : sur les ailes, sur la coque des œufs, dans les nuages, dans la neige, dans les cristaux, dans les formes des rocs, sur les eaux congelées, à l’intérieur et à l’extérieur des montagnes, des plantes, des animaux, des hommes, dans les clartés du ciel, sur les disques de verre et de poix lorsqu’on les frotte et lorsqu’on les attouche : dans les limailles qui entourent l’aimant, et dans les étranges conjonctures du hasard… ». Ainsi l’environnement se fait dessein de multiples façons dans la rêverie distraite du regardeur.
Invité à formuler son musée imaginaire du dessin, le Palais de Tokyo, propose de s’emparer de cette occasion pour montrer la façon dont les artistes dont il accompagne les inventions, attentifs à ces conjonctures hasardeuses, participent au grand jeu figuré du monde. Avec les œuvres de Davide Balula, Hicham Berrada, Marc Couturier, Sai Hua Kuan, Runo Lagomarsino, Rainier Lericolais, Patrick Neu, Karin Sander…
Le Musée Imaginaire de Jean de Loisy sur une proposition de Philippe Piguet, Drawing Now Paris, Paris, Carrousel du Louvre, du 11 au 14/04/13.